Entreprendre aux États-Unis : retour d’expérience au cœur du Tennessee

Introduction:

Entreprendre aux États-Unis est une aventure qui fait rêver de nombreux Français. Mais réussir son expatriation entrepreneuriale outre-Atlantique demande une solide préparation et une réelle capacité d’adaptation.

Voir également notre article ECTI et l’international.

Dans cet article, Jean Decayeux, entrepreneur et consultant chez ECTI Hauts-de-France, partage son expérience entrepreneuriale aux USA. Son témoignage illustre parfaitement les défis, les opportunités et les leçons tirées d’un projet audacieux mené au cœur du Tennessee.

Laissons lui la parole.

(toutes les illustrations sont des images de synthèse)

Pourquoi entreprendre aux États-Unis ?

À 58 ans, après plusieurs décennies passées à gérer mon entreprise de gestion de patrimoine en Picardie, j’ai ressenti un profond besoin de changement. Mes deux enfants étant devenus autonomes, j’ai saisi l’opportunité de me réinventer.

Deux amitiés solides m’ont également influencé : Brad, installé dans le Tennessee, et Dan, en Californie. Grâce à eux, j’ai pu envisager de créer une entreprise aux USA.

Ma bonne maîtrise de l’anglais était un atout essentiel pour envisager une telle aventure. L’envie de vivre une expatriation entrepreneuriale et de relever de nouveaux défis a fait le reste.

Entreprendre dans le Tennessee

L’aspect financier

Le coût de la vie y est bien plus abordable que dans les grandes métropoles américaines. Le foncier y reste accessible, un atout déterminant pour mon activité de tiny houses.

Le Tennessee bénéficie également d’une fiscalité avantageuse pour les entreprises, sans impôt sur le revenu des particuliers.

L’aspect social

Mais vivre et entreprendre au Tennessee demande une réelle capacité d’adaptation. La culture locale est marquée par un fort attachement aux traditions du Sud et à des valeurs souvent conservatrices. La Bible Belt n’est pas qu’une expression : elle structure profondément la société.

La convivialité et l’hospitalité des habitants sont réelles. Mais pour un entrepreneur étranger, il est indispensable de comprendre les codes implicites, notamment dans les relations professionnelles et commerciales.

Le ‘plus’

Le rapport au temps et à l’engagement professionnel diffère sensiblement de ce que l’on connaît en France. La notion de « business relationship » inclut souvent des dimensions personnelles et communautaires importantes.

Enfin, la passion pour la musique — avec Nashville, capitale mondiale de la country — et la place centrale accordée à l’automobile et aux grands espaces, font du Tennessee un territoire où l’on peut s’épanouir… à condition de savoir en accepter les spécificités.

Choisir le bon projet : tiny houses et marché de niche

Se réinventer professionnellement

Mon coeur de métier, la gestion de patrimoine, n’était pas transférable directement aux Etaus-Unis. Sans diplôme local ni réseau établi, il était illusoire d’espérer m’implanter dans ce secteur.

Après réflexion et échanges avec mes partenaires, j’ai identifié un marché porteur: les tiny houses — ces mini-maisons écologiques et modulaires.

Un segment de niche à exploiter

Créer une entreprise aux États-Unis : les défis administratifs

Obtenir le visa entrepreneur

Le premier obstacle fut l’obtention d’un visa entrepreneur USA.

Sans ce sésame, impossible de développer une activité légale sur le territoire américain. J’ai fait appel à un cabinet d’avocats français basé à Atlanta, spécialisé dans l’accompagnement des entrepreneurs.

Le processus a été long et complexe : rédaction d’un business plan détaillé, compilation de documents papier et numériques, entretien à l’ambassade des États-Unis à Paris.

La décision finale reposait sur l’appréciation, parfois subjective, de l’agent consulaire. Ce fut une étape stressante mais incontournable.

Les contraintes réglementaires et fiscales

En parallèle, il a fallu gérer de nombreux aspects pratiques : ouverture d’un compte bancaire professionnel, mise en place d’une comptabilité conforme au droit local, compréhension de la fiscalité américaine, et respect des réglementations locales.

Créer une entreprise aux États-Unis implique une implication totale et une grande capacité d’adaptation.

Créer son entreprise aux Etats-Unis

Financer son projet entrepreneurial aux USA

Pour financer ce projet, j’ai fait un choix stratégique : vendre une partie des parts de mon entreprise amiénoise.

Cette décision m’a permis de partir sans stress financier et d’investir en toute autonomie dans mon nouveau projet américain. Obtenir un prêt bancaire en tant que non-résident est en effet quasi impossible.

Le fait de m’appuyer sur mes propres fonds a également facilité la gestion du projet au quotidien.

Le lancement et le développement de l’activité

Mettre en place le partenariat local

Une fois les obstacles administratifs franchis, le projet a pu réellement démarrer.

J’ai trouvé un partenaire local prêt à construire les modèles de tiny houses sélectionnés. Ensemble, nous avons travaillé sur le choix des matériaux, le design et les coûts de production.

Une stratégie commerciale adaptée

Nous avons ensuite constitué une petite force de vente composée de mes deux associés américains et de moi-même.

L’un des éléments clés de notre stratégie fut l’exposition physique des modèles. En effet, pour ce type de produit, le fait de pouvoir visiter une tiny house grandeur nature est déterminant dans la décision d’achat.

Les premiers retours du marché ont confirmé le potentiel identifié lors de l’étude préalable. Nous avons réussi à positionner nos tiny houses sur un segment haut de gamme recherché.

Pourquoi j’ai mis fin à l’aventure après 4 ans

Malgré des résultats commerciaux encourageants et un véritable enthousiasme initial, j’ai pris la décision, après quatre années d’activité, de mettre fin à cette aventure entrepreneuriale aux États-Unis.

Cette décision n’a pas été motivée par des raisons économiques ou professionnelles. Le facteur déterminant a été d’ordre culturel et personnel.

Un choc culturel profond

Vivre dans le sud des États-Unis, et plus particulièrement dans la région de la Bible Belt, s’est avéré, au fil du temps, bien plus complexe que je ne l’avais anticipé.

Dans cette partie du pays, la religion — et en particulier les formes les plus conservatrices du protestantisme évangélique — imprègne fortement tous les aspects de la vie quotidienne.

Ce n’est pas un simple « cadre religieux », mais une véritable structuration du tissu social. Or, en tant qu’Européen laïc, j’ai eu de plus en plus de mal à m’adapter à cet environnement.

Les difficultés relationnelles

Les relations professionnelles étaient souvent teintées d’hypocrisie ou de non-dits liés à ces normes culturelles.

Les relations personnelles, quant à elles, étaient également difficiles à décrypter. J’ai été particulièrement frappé par la situation des relations hommes-femmes : au-delà de 40 ans, les divorces étaient extrêmement fréquents et les nouveaux équilibres sociaux en résultant souvent précaires.

La culture des armes

Enfin, un autre point majeur a contribué à mon malaise croissant : la culture des armes à feu.

Dans le Tennessee, la possession d’armes est généralisée, banalisée, presque revendiquée. Cela induit une ambiance de fond à laquelle je ne suis jamais parvenu à m’habituer.

Une décision réfléchie

Au fil des mois, ces facteurs ont érodé le plaisir que je retirais de cette aventure. La réussite commerciale ne suffit pas lorsque le bien-être personnel n’est plus au rendez-vous.

Après une mûre réflexion, j’ai donc pris la décision de revendre mes parts, mon stock de tiny houses, ma maison, et de rentrer en France.

Bilan d’une aventure entrepreneuriale aux USA

Une expérience humaine et professionnelle enrichissante

Avec le recul, cette expérience demeure l’une des plus riches de ma vie.

Créer une entreprise aux États-Unis, en tant que Français et sans réseau local initial, fut un défi passionnant.

J’ai appris à naviguer dans des environnements professionnels très différents, à comprendre et respecter des logiques culturelles parfois déstabilisantes, à construire de nouveaux partenariats.

Sur le plan strictement entrepreneurial, ce projet m’a permis de me réinventer à un âge où beaucoup hésitent à sortir de leur zone de confort.

Leçons pour l’entrepreneuriat international

L’aspect humain fut tout aussi déterminant.

Vivre une immersion complète dans une culture différente a profondément élargi mon regard.

J’ai compris à quel point les règles tacites, les codes implicites d’une société pèsent sur le succès d’un projet entrepreneurial à l’étranger. Aucun business plan, aussi rigoureux soit-il, ne peut se substituer à la nécessité de comprendre en profondeur les ressorts culturels du pays d’accueil.

Réussir à l’international : l’importance du savoir-être

Cette aventure m’a appris que la réussite à l’international repose avant tout sur la capacité d’écoute, la flexibilité, le savoir-être et l’adaptabilité.

Si cette expérience m’a parfois mis en difficulté, elle m’a surtout permis de grandir.

Aujourd’hui, je considère cet épisode comme un atout précieux que je suis heureux de partager au sein du réseau ECTI Hauts-de-France.

J’encourage tous les entrepreneurs à envisager ce type de projet avec lucidité et enthousiasme. Une telle démarche transforme une vie.

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